
Le dernier long métrage du très controversé Roman Polanski revient sur l’affaire Dreyfus et son retentissement tout au long de la dernière décennie du XIXe siècle. Jean Dujardin, Louis Garrel et Emmanuelle Seigner ont crevé l’écran dans ce film historique qui a fait couler beaucoup d’encre lors de sa sortie.
Boycott, lynchage, les Césars décrédibilisés, quelques salles de cinéma ont même boudé ce film… Polanski, même en fin de carrière échappe à l’impunité. Son nom reste souvent associé au viol et à des plaintes souvent étouffées. Passé sulfureux à part, le réalisateur continue à créer. Le drame de 2 heures 10 nous plonge dans la France des années 1890 : une nation fortement éclaboussée par le scandale Dreyfus, le plus grand sans doute de la fin du XIXe siècle. L’affaire est compliquée et sensible : dedans se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. Dans ce film, c’est le Colonel Picquart qui est au centre des évènements : toute la trame dramatique tourne autour de ce personnage historique. Une fois nommé à la tête du contre-espionnage, Picquart va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été montées de toutes pièces.
A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de lutter contre vents et marrées pour innocenter Alfred Dreyfus. Un combat qui durera plus d’une dizaine d’années.
Le long métrage a fait son chemin et a été couronné d’un bon succès commercial (la mauvaise pub a joué en sa faveur, rien de plus étonnant !). Ce film historique tire sa force de son réalisme : il nous plonge dans un passé délicat, muni d’outils et de références académiques solides. Le scénario et la mise en scène sont saisissants et permettent d’en savoir beaucoup sur ce fait historique français. Le rythme s’accélère vers la fin et arrive à nous capter jusqu’au bout malgré un dénouement connu d’emblée.
La musique d’Alexandre Desplat ne laisse pas de marbre. Classique dans la forme et dans le fond, cette libre interprétation du roman «D» de Robert Harris se défend. Polanski en collaboration avec Robert Harris ont atteint leur objectif… sur un plan cinématographique.
Le film a, en effet, été entaché par les accusations lancées à l’encontre de son réalisateur, dont certaines sont nouvelles : il a provoqué l’ire des festivaliers, des critiques et des politiciens : l’image du bouc émissaire juif a divisé l’opinion, pareil pour la condamnation de la victime (incarnée par un Garrel métamorphosé) en se basant sur de fausses preuves. Le contenu a même relancé un débat national dans quelques sphères politiques.
A la Mostra de Venise de 2019, il rafle le grand prix du jury et le prix Fipresci et obtient douze nominations à la 45e cérémonie des César : Roman Polanski en sort récompensé trois fois : César des meilleurs costumes, César de la meilleure adaptation et César du meilleur réalisateur. La victoire de trop.